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Qualification de tierce opposition en l’absence de mise en cause régulière par la juridiction

Public - Droit public général
17/01/2024
Le recours en cassation est réservé aux personnes qui ont eu la qualité de partie dans l’instance ayant donné lieu à la décision attaquée. Une personne qui n’a été ni appelée ni représentée à l’instance peut toutefois former tierce opposition devant la juridiction qui a rendu la décision si celle-ci préjudicie à ses droits. C’est ce qu’a rappelé le Conseil d’État dans un arrêt rendu le 19 décembre 2023, précisant que cette règle vaut également pour une partie en première instance qui n’aurait pas reçu la convocation à l’audience devant la cour administrative d’appel.
Dans une décision du 19 décembre 2023 (CE, 19 déc. 2023, n° 445220, Lebon T.), le Conseil d’État a eu l’occasion de rappeler que le pourvoi en cassation et la tierce opposition étaient deux voies distinctes et exclusives l’une de l’autre. Il donne une illustration d’une requalification en tierce opposition en l'appliquant au cas d’un requérant en première instance n’ayant pas été informé de l’appel formé contre le jugement d'un tribunal administratif (TA).
 
Dans cette affaire, un justiciable avait demandé au TA de Mayotte l’annulation de deux décisions et obtenu gain de cause. La Cour administrative d’appel (CAA) a ensuite annulé le jugement, faisant droit à la demande du défendeur en première instance. Le requérant initial, qui n’avait pas reçu la requête d’appel, et n’avait reçu la convocation à l’audience devant la CAA qu’après cette audience, se pourvoit en cassation.
 
Personne qui n'a été ni appelée ni représentée à l'instance
 
Le Conseil d’État, dans sa décision vient rappeler un principe posé dans une décision du 16 mars 2016 publiée au recueil Lebon (CE, 16 mars 2016, n° 378675, Lebon) : « il résulte des règles générales de procédure applicables devant les juridictions administratives, d'une part, que la voie du recours en cassation est réservée aux personnes qui ont eu la qualité de partie dans l'instance ayant donné lieu à la décision attaquée et, d'autre part, qu'une personne qui n'a été ni appelée ni représentée à l'instance peut former tierce-opposition devant la juridiction qui a rendu la décision si celle-ci préjudicie à ses droits ».
 
Cette règle est tirée de l’article R. 832-1 du Code de justice administrative : « Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ».
 
Pourvoi devant être regardé comme une tierce opposition
 
Le Conseil recherche si l’auteur du pourvoi en cassation été régulièrement appelé à l’instance d’appel.
En l’espèce, il relève que les avis de réception des courriers adressés par la Cour administrative d’appel ont été retournés avec la mention « défaut d'accès ou d'adressage » alors qu’il s’agissait de l’adresse correcte. Le courrier contenant l’avis d’audience avait par ailleurs été présenté et remis postérieurement à l’audience. Ainsi, le requérant en première instance, « qui ne peut ainsi être regardé comme ayant été régulièrement mis en cause par la juridiction d'appel, n'a produit aucun mémoire en appel et n'était pas présent à l'audience ».
 
Le Conseil d’État en déduit que cette personne n’avait pas la qualité de partie dans l’instance d’appel, et n’est par conséquent pas recevable à se pourvoir en cassation. Il vérifie donc si l’arrêt d’appel préjudicie à ses droits, et répond positivement. Il en conclut que le pourvoi formé « doit dès lors être regardé comme une tierce opposition, qui relève de la compétence de la cour administrative d'appel de Bordeaux à laquelle il y a lieu de la renvoyer ».
Source : Actualités du droit