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Recours contre un arrêté de placement en rétention : le contrôle du juge administratif français est trop limité

Public - Droit public général
Pénal - Procédure pénale
19/07/2016
Le juge administratif français ne pouvant apprécier les actes primitifs à l'origine de la rétention, le recours juridique national permettant d'apprécier la légalité de la rétention mais aussi l'opportunité de celle-ci est insuffisant. Telle est la décision retenue par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) dans un arrêt du 12 juillet 2016.
En l'espèce, M. A. entra irrégulièrement en France en 2011. Interpellé par les services de police français, il fit l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière et d'un arrêté de placement en rétention administrative. La mesure d'éloignement ne fut jamais mise à exécution et il fut remis en liberté. De nouveau interpellé le 7 octobre 2011, M. A. fit l'objet d'un arrêté de placement en rétention en vue de l'exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière. M. A. contesta la légalité de l'arrêté de placement en rétention et l'audience fut fixée le 11 octobre à 13 heures. Ce même jour, M. A. fut renvoyé à 4 heures du matin en Tunisie et ne put, donc, assister à l'audience. La cour administrative d'appel (CAA Bordeaux, 5e ch., 20 mars 2012, n° 11BX02932) annula l'arrêté du 7 octobre 2011 en tant qu'il prévoit que le recours juridictionnel contre la décision de placement en rétention administrative ne suspend pas l'exécution de la mesure d'éloignement. Le 4 mars 2013, le Conseil d'État (CE, 2e et 7e s-sect., 4 mars 2013, n° 359428) annula l'arrêt d'appel et rejeta la requête de M. A.

Ce dernier invoque, par conséquent, auprès de la CEDH, la violation de l'article 5 § 4, en raison de l'absence d'effet suspensif du recours contre la décision d'éloignement, ainsi que du caractère trop restrictif du contrôle exercé par le juge administratif sur la régularité de cette même décision. La Cour rappelle avoir jugé, dans un arrêt du 22 mai 2012 (CEDH, 22 mai 2012, aff. 5826/03, Idalov v. Russia), que toute personne arrêtée ou détenue a le droit de faire examiner par le juge la "régularité" de sa privation de liberté. Elle constate, en outre, que le juge administratif saisi d'un recours contre l'arrêté de placement en rétention administrative n'a pas compétence pour contrôler la régularité des actes accomplis avant la rétention et ayant mené à celle-ci. Il ne peut, notamment, contrôler les conditions dans lesquelles s'est déroulée l'interpellation de l'étranger et si les modalités de cette interpellation ayant conduit à la rétention sont conformes au droit interne ainsi qu'au but de l'article 5 qui est de protéger l'individu contre l'arbitraire. Ainsi, dès lors que le juge national ne peut contrôler la régularité de l'ensemble des actes ayant menés à la rétention, la Cour estime que le contrôle du juge administratif français est insuffisant.
Source : Actualités du droit